Une incursion dans un paysage de métal et de rouages complexes loin de l’habituelle Londres et des clichés ? C'est possible. Tout un programme donc, notamment avec "Feuillets de cuivre" de Fabien Clavel, et "L’alchimie de la pierre" d’ Ekaterina Sedia. Ces deux romans sont sortis de ma pile à lire en début d’année, mais mon habituel retard ne m’avait pas encore permis de les aborder. Une pierre deux coups donc pour cette semaine, même si je commencerai d'abord par le tout premier.
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Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d'une prostituée, premier d'une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l'âme mutilée par son passé et au corps d'obèse, l'inspecteur Ragon n'a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire.
En découvrant que les éditions Libretto republiait ce roman de Fabien Clavel (dont je ne connais pas toutes les œuvres), tout en appréciant les littératures de l’imaginaire à la française, il était impensable de ne pas se prêter au jeu. Je serai bien en mal d’ajouter quoi que ce soit de plus constructif que ce qui nous est donné à lire avec la postface d’Isabelle Perrier. Sans doute en a-t-elle trop dit même si on ne peut être qu’en accord avec ses conclusions.
Il avait peine à croire que, dans moins d'un an, le vingtième siècle débuterait. Tous ces millénaires d'inventions, d'histoire et d'art pour se vautrer dans un tel raffinement de barbarie. Dans ces muscles dépouillés, ces nerfs, ces os, avait existé une intelligence, un esprit. Ragon n'allait pas jusqu'à l'âme. Devant ce genre de boucherie, l'hypothèse d'un principe vital transcendant confinait au ridicule. Seul demeurait le mystère insondable des corps.
Il s’agit là d’un roman feuilleton foisonnant de références tant littéraires que culturelles, teinté d’ésotérisme et de religion, de clins d’œil à des écrivains comme à des universitaires, linguistes ou chercheurs. Un roman feuilleton dans un Paris morose avec différentes enquêtes étalées dans le temps, toutes bel et bien reliées dans un puzzle dont les pièces s’imbriquent peu-à-peu.
Ces dernières résolues par un inspecteur Ragon pas toujours au meilleur de sa forme tant il grossit d’année en année, tout en se montrant parfois en perte de vitesse du fait d’un deuil l’ayant profondément affecté.
S’il est à la fois le parfait antihéros et l’enquêteur érudit, il semble aussi et surtout le témoin des marges de la société dans un monde en constante évolution. Un témoin plus doué avec les livres qu’avec les humains - ce qui permet quelques facilités scénaristiques par ailleurs - cherchant justement à mieux comprendre la nature humaine, et peut-être à y trouver sa place.
Une lecture riche comme je les aime, même si j’ai étrangement moins apprécié la seconde partie. Qu’à cela ne tienne : comment résister à cette ode aux livres ?
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