Le point commun entre le train, et les livres ? Hé, elle est facile celle-là ! Le voyage, pardi ! Néanmoins, si la destination n'est pas toujours des plus enviables en vérité, rien de tel pour prévoir quelques lectures entre admiration des paysages qui défilent à travers la vitre, et petites siestes.
Je me suis donc attelée à constituer ma liste pour cette seconde quinzaine d'avril, histoire de voyager également tant par les mots que par les émotions, avec des auteurs de presque tous les continents. Il faut dire que quitter montagne et mer pour Paris ne m'enchantait guère... Aussi, je vous laisse le plaisir de la découverte.
- Le cœur cousu de Carole Martinez - éditions Gallimard
Frasquita Carasco a dans son village du sud de l'Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu'elle coud, aux objets qu'elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu'elles faneront sous le regard jaloux des villageoises; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d'un papillon qu'il s'envolera par la fenêtre : le cœur de soie qu'elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement... Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels...
Comment résister aux extraits, ou encore à voyager dans une Andalousie empreinte de mysticisme, et de magie ? Cela m'a rappelé un court texte écrit dans le cadre d'un jeu sur navigateur, où je contais les derniers jours de Paloma qui arpentait des landes désolées en carriole, dans un monde ayant sombré. Forcément, Paloma brodait son propre linceul, y narrant sa vie... Alors à petit souvenir créatif réveillé, cela vaut bien une jolie lecture qui saura peut-être m'émerveiller...
- Konbini de Sayaka Murata chez Denoël
Depuis l'enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. A trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n'a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s'inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d’œuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu'il apparaît qu'il n'a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu mais qui leur permettra d'éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps...
Nouveau détour en un tour de page ! Au Japon cette fois-ci avec un roman qui évoque les pressions sociales extrêmement fortes au pays du soleil levant, ainsi que les différences et l'acceptation de soi.
- M. Pénombre libraire ouvert jour et nuit de Robin Sloan chez Michel Lafon
Clay Jannon, webdesigner, se retrouve au chômage quand la récession frappe San Francisco. Le hasard le mène jusqu’à la librairie de l’étrange M. Pénombre, ouverte 24 heures sur 24, où il est embauché pour le service de nuit. Il découvre un lieu aussi insolite que son propriétaire, fréquenté par les membres d’un drôle de club de lecture. Ceux-ci débarquent toujours au milieu de la nuit, vibrant d’une impatience de drogués en manque, pour emprunter l’un des très vieux et très poussiéreux volumes relégués sur les hautes étagères du fond de la boutique. Volumes que, justement, M. Pénombre a formellement interdit à son nouvel employé de consulter sauf que Clay succombe à sa curiosité...
Le résumé en dit trop de mon point de vue, mais mélanger une mystérieuse librairie, des références aux jeux de rôle, ainsi qu'une drôle de quête avec d'énigmatiques manuscrits... La curiosité l'a emporté sur le reste !
- Celui qui dénombrait les hommes de China Miéville chez Fleuve édition
Dans une ville étrange, à l'écart du monde, vit un homme violent, avec sa femme et son fils... Comme suspendue dans les airs, la ville est à cheval entre deux montagnes, coupée par un gouffre, réunie par un pont. Un pont dont les orphelins livrés à eux-mêmes ont fait leur royaume. Plus haut dans la montagne, à l'écart de l'agitation de la cité peuplée de marchands, de marginaux et de magiciens, vit le faiseur de clés, avec sa femme et leur enfant. Un jour, son fils déboule dans les rues, comme s'il avait le diable à ses trousses. Son père a tué sa mère, et l'a jetée dans un trou si profond que l'on n'en voit pas le fond, affirme-t-il. Mais faute de preuve, on préfère ne pas le croire. Alors c'est auprès des enfants du pont que le petit garçon va se réfugier. Jusqu'à ce que son père le retrouve. Heureusement, bientôt, arrive en ville un recenseur, celui qui dénombrait les hommes...
On revient au Royaume-Uni avec ce singulier roman dont le monde ne s'entraperçoit qu'à travers le regard d'un jeune garçon. Ayant pas mal entendu parler de cet auteur, j'étais curieuse de le découvrir. J'ai donc opté pour l'un de ses romans qui a fait le moins de bruit...
- La fille flûte et autres fragments de futurs brisés de Paolo Bacigalupi - Au diable Vauvert
Nominées ou lauréates des plus grands prix, ces dix nouvelles ont fait la notoriété de Paolo Bacigalupi et posé le saisissant univers postpétrole de ses fictions ainsi que les thèmes sociaux, politiques et environnementaux chers à l'une des voix les plus puissantes de la science fiction contemporaine.
Une courte halte aux états-unis, eh ui ! Notons que je me moque bien de savoir si ces nouvelles ont été primées. Puis j'ai également "La fille automate", et "Les ferrailleurs des mers" dans ma pile à lire, pensez-vous... Si j'avais feuilleté quelques pages du premier, je me suis dit que mieux valait quelques courts récits surtout s'ils abordent une période post-pétrole. Par ailleurs, j'ai une préférence pour la lecture de nouvelles, car c'est incomparable pour se plonger dans l'univers d'un auteur de science-fiction avant d'entamer du plus lourd. J'avoue également un faible pour ces titres plutôt poétiques.
- Une verrière sous le ciel de Lenka Hornakova-Civade chez Alma éditeur
Dans les contes de mon pays, il y a souvent trois fées qui se penchent sur le berceau du bébé pour lui souhaiter une vie de telle ou telle couleur, sous de bons auspices ou au contraire pleine d’embûches. À quoi cela tient-il ? À leur bonne humeur ? » Il était une fois, en 1988, une jeune fille envoyée en colonie de vacances en France par le parti communiste tchécoslovaque. Au dernier moment, sur le quai de la gare de l’Est, Ana refuse de rentrer. Elle vient d’avoir 18 ans et décide de changer le cours de son destin. Écrit avec la même splendide énergie que Giboulées de soleil (Prix Renaudot des lycéens 2016), Une verrière sous le ciel nous place dans le Paris de la fin des années 1980, auprès d’un personnage qui se demande comment grandir, être libre, connaître le monde au-delà des apparences. Elle le découvrira à travers les mots et les gestes des autres.
Nous voilà entre France et Tchécoslovaquie à la fin des années 80, avec un personnage qui se cherche, et cherche tout autant à s'émanciper.
- Sucre noir de Miguel Bonnefoy chez Payot et Rivages
Dans un village des Caraïbes, la légende d’un trésor disparu vient bouleverser l’existence de la famille Otero. À la recherche du butin du capitaine Henry Morgan, dont le navire aurait échoué dans les environs trois cents ans plus tôt, les explorateurs se succèdent. Tous, dont l’ambitieux Severo Bracamonte, vont croiser le chemin de Serena Otero, l’héritière de la plantation de cannes à sucre qui rêve à d’autres horizons. Au fil des ans, tandis que la propriété familiale prospère, et qu’elle distille alors à profusion le meilleur rhum de la région, chacun cherche le trésor qui donnera un sens à sa vie. Mais, sur cette terre sauvage, étouffante, la fatalité aux couleurs tropicales se plaît à détourner les ambitions et les désirs qui les consument.
Comme je n'aime plus Paris, et que je vais en arpenter le bitume un petit moment... Je me suis dis que repartir pour des contrées plus exotiques sous couvert d'un trésor, d'une frégate abimée dans les arbres - Oui, oui ! - de conte philosophique, tout en suivant trois générations d'une même famille cultivant la canne à sucre, et ce même si je préfère le miel au sucre, ou le thé au rhum... Eh bien, tout cela me semblait fort prometteur et alléchant !
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